Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux personnels enseignants de médecine générale

Extrait du compte rendu analytique officiel
Séance du mardi 29 janvier 2008
3ème séance
Séance de 21 heures 30
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente PERSONNELS ENSEIGNANTS DE MÉDECINE GÉNÉRALE

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux personnels enseignants de médecine générale.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche –

La présente proposition de loi, déposée par M. Francis Giraud, sénateur, et adoptée à l’unanimité par le Sénat le 12 décembre dernier, correspond à la fois, comme le rappelle M. Door dans son rapport, à une nécessité et à une urgence. Il était en effet nécessaire de créer une filière de médecine générale digne de ce nom, afin d’offrir aux futurs médecins une formation de très haut niveau leur permettant d’endosser les lourdes responsabilités auxquelles ils sont promis. En outre, il était urgent de doter d’un cadre juridique clair les emplois que j’ai décidé de créer dans ce secteur.
Enfin, le texte vient parachever un ensemble de réformes entamé de longue date. En 1958 furent créés, à l’initiative du professeur Robert Debré, les centres hospitaliers et universitaires – CHU. En associant étroitement enseignement, recherche et soins, universités et hôpitaux, cette réforme a permis de former d’excellents praticiens et de faire progresser la recherche médicale. Mais, pour les futurs médecins généralistes, qu’elle laissait de côté, l’accès à la recherche s’est longtemps réduit à des stages de courte durée au sein de services souvent peu formateurs.
En 1982, la loi relative aux études médicales et pharmaceutiques, destinée à améliorer la formation des médecins généralistes, a instauré une formation pratique hospitalière, une formation théorique de troisième cycle et une spécialisation en médecine générale sous la forme du résidanat. Mais, constatant l’insuffisance des mesures adoptées, MM. Mattéi et Étienne, professeurs de médecine et députés, ont notamment préconisé, dans un rapport publié en 1996, d’adjoindre au concours d’internat une filière de médecine générale.
Avant d’inspirer la présente proposition de loi, leurs recommandations ont donné lieu, en 2000, à un arrêté réorganisant le deuxième cycle des études médicales, puis, en 2002, à l’introduction dans la loi de modernisation sociale d’une disposition réformant le troisième cycle. Ainsi, désormais, tous les étudiants qui souhaitent poursuivre un troisième cycle d’études médicales sont tenus de se présenter aux épreuves de l’examen national classant et de choisir une discipline en fonction de leur rang de classement. La médecine générale est donc devenue une discipline universitaire sanctionnée, au même titre que les autres spécialités, par un diplôme d’études spécialisées – DES.
Cependant, certaines mesures, faute de moyens, restaient sans effet. Plusieurs colloques et rapports, issus d’instances très diverses – de la Conférence des présidents d’universités aux inspections en passant par des comités d’experts – ont donc conclu à la nécessité de renforcer la filière médecine générale pour encourager les vocations et dynamiser la recherche scientifique comme le transfert de ses résultats – en d’autres termes, pour faire du troisième cycle d’études de médecine générale une véritable formation à et par la recherche, à l’instar de tous les troisièmes cycles universitaires.
Il devient d’autant plus urgent de renforcer l’attractivité de ces formations que la demande de soins ne cesse de s’accroître, grâce à l’allongement de la durée de vie et au progrès des thérapies. Les quelque 2 600 étudiants qui, animés par une vocation sincère, choisissent chaque année la médecine générale ne doivent plus le faire par défaut, mais en vertu de leurs compétences scientifiques et de leur ambition.
Or, si la médecine générale attire plus de la moitié de chaque promotion, de nombreux postes ne sont pas pourvus – 13 % l’an dernier, 40 % l’année précédente, selon le rapporteur. Ces chiffres s’expliquent certes par les modalités d’organisation de l’examen national classant et par la nouveauté de la filière, mais il n’est plus acceptable, compte tenu des besoins, que le nombre de médecins installés ne représente que 20 à 40 % des postes ouverts au concours.
Face à cette situation, nous devons offrir aux étudiants concernés une formation de même qualité que leurs collègues. Voilà pourquoi, dès ma prise de fonctions, j’ai souhaité, conformément aux vœux de la communauté médicale, que 48 nouveaux postes soient créés – 20 emplois de chefs de clinique de médecine générale, 14 de maîtres de conférences associés et 14 autres emplois de médecine générale. Mais cela suppose de créer de nouveaux corps de personnels enseignants en médecine générale, puisque les médecins généralistes, qui n’effectuent pas leur activité de soins à l’hôpital, mais en ville, ne peuvent donc relever du statut des personnels enseignants et hospitaliers.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi : offrir aux 6 000 étudiants qui suivent une formation de médecine générale un encadrement de qualité, à la mesure de nos ambitions ; faire profiter la médecine générale d’une organisation qui a fait ses preuves ; permettre aux étudiants de nourrir leur cursus des dernières avancées de la recherche, elle-même enrichie par le contact quotidien avec les malades. Ainsi nos concitoyens bénéficieront-ils rapidement des progrès scientifiques les plus récents et des innovations thérapeutiques qui en résultent.
Cette continuité entre enseignement, recherche et valorisation de la recherche est conforme à l’esprit des réformes initiées par le pacte pour la recherche – créant les centres thématiques de recherche et de soins, les CTRS – et poursuivies par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Ainsi, l’intégration renforcée des formations médicales à l’université, que vous avez votée au mois d’août dernier, doit permettre d’associer les UFR de médecine à la stratégie globale de l’établissement, ce qui les fera bénéficier des dernières avancées scientifiques obtenues dans d’autres disciplines. En somme, il s’agit de décloisonner les savoirs pour enrichir la connaissance.
À cette fin, le nouveau statut conserve ce qui fait la force de celui des personnels enseignants et hospitaliers – les trois missions d’enseignement, de recherche et de soins, qui s’enrichissent mutuellement – tout en l’adaptant à l’exercice des activités de soins hors de l’hôpital.
Le texte qui vous est soumis, judicieusement modifié par le Sénat, définit des principes, renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin d’arrêter les modalités d’application de la disposition. L’avant-projet dont ce décret a fait l’objet, rédigé par mes services, a été transmis au rapporteur, auquel je sais gré de saluer dans son rapport une démarche « exemplaire » – démarche naturelle, en vérité, tant elle améliore la qualité du travail législatif et la rapidité du travail gouvernemental sans enfreindre pour autant le principe de la séparation des pouvoirs. Cette méthode, également utilisée lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat, y a aussi présidé à la discussion du projet de loi relatif aux opérations spatiales, qui vous sera soumis prochainement.
La commission n’a pas souhaité amender un texte urgent dont la rédaction équilibrée est conforme aux objectifs fixés, mais a soulevé, au terme d’un remarquable travail d’analyse, quelques questions auxquelles je répondrai précisément.
Enfin, le texte relève d’une action plus large visant à adapter la formation de nos futurs médecins aux enjeux que constituent la demande croissante de soins et les progrès de la recherche. L’université et les étudiants y sont essentiels ; de fait, les disciplines médicales bénéficieront de l’ensemble des dispositions que vous avez votées cet été, porteuses d’ambitions nouvelles pour notre enseignement supérieur. En outre, parce que les études médicales doivent obéir au principe d’égalité républicaine, l’épreuve de lecture critique d’articles de l’examen classant national, diversement préparée selon les universités et qui a suscité l’inquiétude parmi les candidats au moment de l’inscription, sera reportée à 2008-2009. D’autre part, afin de tirer les conséquences des dysfonctionnements de l’organisation du concours de première année à Lille, j’ai réuni au ministère, le 1er octobre dernier, les doyens des facultés de médecine et les présidents de leurs universités respectives. En effet, les formations médicales, particulièrement exigeantes, sélectives et décisives pour des milliers d’étudiants animés par une vocation profonde et sincère, doivent se dérouler, à tous les niveaux, dans des conditions irréprochables.
Dans le même esprit de dialogue et de concertation, j’ai demandé au professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, de formuler des propositions permettant d’accroître les débouchés de la première année de médecine et d’ouvrir des passerelles aux candidats recalés, aujourd’hui dans l’impasse. Son rapport devrait m’être remis dans les jours qui viennent ; je m’engage à en tirer, sur le plan législatif et réglementaire, les conclusions qui s’imposeront.
Comme votre rapporteur, je souhaite que ce texte, adopté à l’unanimité par le Sénat et par l’ensemble des groupes qui composent la commission, le soit dans les mêmes termes par votre Assemblée, afin d’être rapidement appliqué.
Enfin, je remercie la commission de ses analyses rigoureuses, dont la rédaction des mesures d’application sortira enrichie.

M. Olivier Jardé –

La médecine générale est le pivot de notre système de santé. Le médecin généraliste ne soigne ni une affection ni un organe, mais un malade, souvent dans une relation durable. Nous comptons 101 000 médecins généralistes, et 2 000 étudiants en médecine générale par an. La loi de 2004 en instituant le parcours de soins, en a fait des acteurs essentiels. Toutefois, la médecine générale est confrontée à une crise de reconnaissance et d’attractivité. Sur les 2 300 postes ouverts l’an dernier, seulement 1 600 ont été pourvus, dont on sait que 30 % n’exerceront pas la médecine générale. Or les besoins ne font que croître, du fait de l’augmentation de l’espérance de vie, et la France compte déjà des déserts médicaux : ainsi, quatre cantons de la Somme n’ont aucun généraliste. Certes, la situation n’est pas catastrophique, puisque le nombre des étudiants en médecine augmente depuis 2004, mais il y a un médecin pour 300 habitants dans certaines zones et un pour 3 000 en Picardie ! Nous avons déjà discuté des solutions envisageables, notamment de l’idée de régir de façon autoritaire l’installation des médecins. Pour ma part, je préférerais un système d’incitation forte, passant par des bourses, des maisons médicales et une action sur les honoraires. Il faudra aussi résoudre le problème de la permanence des soins, afin de désencombrer les services d’urgences.
Il convenait de rendre la médecine générale plus attractive et de la développer, et je me réjouis que la loi du 17 janvier 2002 en ait fait une spécialité. S’agissant de l’enseignement, sa spécificité en matière d’exercice des soins empêche de retenir le cadre défini par les ordonnances de 1958 pour les autres spécialités, mais il n’en est pas moins indispensable d’attirer des postulants ; le décret que vous avez annoncé, Madame la ministre, apportera les précisions nécessaires sur le recrutement, le statut et les fonctions de ces professeurs des universités.
Au-delà de cette précieuse avancée, il faudra revoir le problème de la première année de médecine, dont 80 % des étudiants sortent sans aucune qualification. J’avais proposé de faire en quelque sorte deux années en une, c’est-à-dire d’organiser un premier concours en mars et une session de rattrapage l’été, ce qui permettrait de désengorger les amphithéâtres. Le système LMD devra également être adopté tôt ou tard.
Par ailleurs – c’est un député de la Somme qui vous parle –, il faudrait sans doute, pour le stage généraliste, instaurer un passage obligatoire à la campagne : on ne peut pas s’y installer si on ne la connaît pas.
Au nom du Nouveau centre, je voterai sans hésitation ce texte !

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur –

Je répondrai, bien sûr, aux orateurs, mais je ne pourrai me substituer à Mme Bachelot pour les questions qui portent sur l’organisation de notre système de santé.
M. Door et Mme Fraysse m’ont interrogée sur le nombre de postes qui seront consacrés à la médecine générale. Je rappelle que le Gouvernement a lancé un signal fort en attribuant à la discipline quarante-huit emplois nouveaux dès 2007. Cet effort inédit sera poursuivi jusqu’au rétablissement d’un rapport équilibré entre le nombre d’enseignants et le nombre d’étudiants suivant leurs formations, mais nous ne pourrons pas combler en un an le retard accumulé. L’augmentation du nombre de postes en médecine générale sera constante mais raisonnable, car s’il convient de renforcer la médecine générale, d’autres spécialités ont aussi besoin de postes supplémentaires. De plus, sur les vingt emplois de chefs de clinique créés en 2007, seize seulement ont été occupés ; il ne suffit donc pas de créer des postes, encore faut-il s’assurer qu’ils puissent être pourvus.
Comme il faudra aussi tenir compte de l’intégration des enseignants contractuels dans le nouveau statut, une montée en puissance progressive du dispositif, permettant à la fois d’intégrer les enseignants les plus méritants et de sélectionner les meilleurs diplômés de la nouvelle génération, assurera la plus grande qualité de recrutement. Sur ce point, et suivant la recommandation de votre rapporteur, je suis favorable à l’idée de laisser une période de transition suffisamment longue – quatre ans par exemple – pour permettre à tous les enseignants contractuels qui le souhaitent de faire reconnaître leur ancienneté et d’être titularisés.
Je rappelle aussi le rôle pivot qu’ont en cette matière les doyens des unités de formation et de recherche de médecine, en lien avec les présidents de leurs universités, pour faire connaître au ministère leurs besoins en enseignants de médecine générale. Le ministère veillera ensuite très attentivement à ce que ces emplois soient justement répartis sur le territoire national.
Le rapporteur s’est fait l’écho d’inquiétudes sur le déroulement de la formation. Je vous rassure en ce qui concerne la validité des diplômes de la première promotion de médecine générale. Dès décembre, j’ai demandé au directeur de l’enseignement supérieur d’adresser aux recteurs d’académie, chanceliers des universités, présidents d’université et doyens des UFR de médecine une circulaire précisant les conditions de validation de ces diplômes.
Mme Bachelot et moi cherchons à assurer la meilleure formation possible aux étudiants. C’est pourquoi le ministère de la santé a décidé de revaloriser les indemnités de maîtres de stage de 12,6 % en 2008, pour un montant de 7 millions, et d’augmenter le nombre de stages en médecine générale. Dès cette année, en plus des stages offerts en troisième cycle, 25 % de étudiants de deuxième cycle se verront offrir un stage en médecine ambulatoire, et ce pourcentage passera à 50 % en 2009. Comme l’a souhaité M. Jardé, ces stages seront offerts également en zone rurale.
Les deux ministères mènent également une réflexion concertée sur l’amélioration du contenu de la formation des médecins, dans le cadre du passage au schéma LMD, des travaux des États généraux de la santé et du plan « Réussir en licence ». Je peux assurer M. Bapt et M. Poisson que les conclusions du rapport de la commission pédagogique nationale d’études médicales qui travaille depuis un an sur la refonte du programme pédagogique éclaireront ce travail. Alors que les généralistes deviennent des médecins traitants, l’ouverture sur les sciences humaines et sociales et la dimension éthique de la profession sont essentielles.
Votre commission a également soulevé la question de la rémunération des personnels enseignants de médecine générale, en particulier pour compenser la réduction de leurs activités de soins. Le ministère de la santé a mis en place des conventions avec les caisses d’assurance maladie et certains chefs de clinique pour assurer cette compensation. Le mécanisme est un peu complexe et engendre un coût pour les caisses, mais il est expérimental et sera soigneusement évalué par le ministère de la santé afin d’être généralisé dans les meilleures conditions.
La discussion générale est close

Mme la Présidente – J’appelle les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

ART. 1 ET 2
L’article 1er et l’article 2, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L’ensemble de la proposition de loi , mis aux voix, est adopté à l’unanimité.
Prochaine séance demain, mercredi 30 janvier, à 15 heures.
La séance est levée à 22 heures 50.

Olivier Jardé pose une question écrite sur le rôle des pharmaciens au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)

Question publiée au JO le : 22/01/2008 page : 455 M. Olivier Jardé attire l’attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur le rôle des pharmaciens au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le vieillissement de la population est l’un des enjeux essentiel auquel devra faire face les gouvernements successifs dans les années à venir. En effet, d’ici à 2030, le nombre de personnes âgées dépendantes devraient progresser de 30 % pour atteindre 1,2 million de personnes et le nombre de résidents en maison de retraite, actuellement évalué à 610 000, devrait doubler dans les quinze ans à venir. De nouveaux services à la personne apparaissent progressivement et la question du rôle du pharmacien de ville au sein de ces établissements s’est posée. Même si, grâce à la convention pharmaceutique, signée fin mars 2006, avec l’assurance maladie et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le rôle des pharmaciens dans la fourniture des médicaments dans la fourniture des médicaments aux EHPAD est établi, le rôle des pharmaciens au sein même des établissements reste à définir. Il apparaîtrait que le projet de convention nationale, précisant le rôle du pharmacien de ville au sein de l’EHPAD ainsi que les modalités de la préparation des doses à administrer (si elle est autorisée), n’a pas pour l’instant vu le jour. Aussi, il souhaite connaître les suites que compte donner le Gouvernement à ce projet de convention.

Olivier Jardé pose une question écrite sur la rémunération des jeunes médecins après l’internat

Question publiée au JO le : 22/01/2008 page : 454 M. Olivier Jardé attire l’attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la rémunération des jeunes médecins après l’internat. Après l’internat, les jeunes médecins se voient proposer des postes de chef de clinique – assistant (CCA) à la fin de leur clinicat. D’autres sont nommés praticiens hospitaliers contractuels en attente du concours de praticien hospitalier et de la publication/nomination, à la suite d’une période probatoire d’un an. Or, il est surprenant que la prime de service public exclusif de 477 euros bruts par mois soit versée pendant la période CCA, alors qu’elle est supprimée pendant la période contractuelle et surtout pendant la période probatoire. Cette prime n’est rétablie qu’une fois la nomination à titre permanent est faite. Aussi, il souhaite connaître les raisons d’une telle distinction.