Correspondance avec un ami qui craint le nucléaire…

Un de mes amis m’a écrit pour me dire combien il ressentait les dangers du nucléaire et, quoique non engagé politiquement, reprochait au gouvernement une politique pro nucléaire à sens unique. Si je comprends bien ses motivations, je ne suis pas ses solutions. Voici notre correspondance, par échanges de mails…

Cher Olivier,
Permets-moi d’aborder un sujet concret moins vaporeux que la «science économique».
J’ai entendu un certain monsieur François C.  à un François H, dire que l’énergie nucléaire nous rend indépendants, en montrant une carte des centrales en France.
On aimerait un peu plus de culture scientifique chez nos politiques
1)      Où sont nos mines d’uranium en France ? 
2)      Traitons-nous tous nos déchets en France ? non
A ce compte-là, nous sommes indépendants avec le pétrole.
De plus, sait-on démonter une centrale ? non, (monsieur C. semble  savoir lui !) .
Or, il arrivera bien un jour où il faudra. Voilà une bonne occasion pour essayer d’apprendre sur une seule, la plus vieille (Fessenheim), dont le système de refroidissement  de secours est sous le niveau du cours d’eau voisin. Cela évitera de se retrouver avec toutes les centrales à traiter en même temps. Cela nous enseignera un savoir-faire encore inexistant que nous pourrons mettre à profit pour nous et à l’export. Enfin, les salariés qui ne travailleront plus dans le nucléaire travailleront ailleurs dans la production d’énergie : on n’a plus de poinçonneur de métro, c’est la vie. 
Bien évidemment, cela se fera sur des années mais nous n’y couperons pas. 
Les autres énergies ce sont nos puits de pétrole : à nous de les chercher.
Le boulot d’EDF est de faire de l’énergie , pas forcément du nucléaire. Par contre, sans réelle indépendance énergétique pas de salut. On s’engage pour les 6000 générations suivantes avec ce nucléaire à l’Uranium (si encore on avait exploré la voie du Thorium). On ne sait même pas encore stocker les déchets !
Bien amicalement, mais au moins ce sujet comporte des données objectives qui permettent de parler hors à priori politique.
Pascal Quénot
Cher Pascal,
Dès qu’il faut choisir, tout est politique !
Ta démonstration en fournit la preuve. Tu souhaites l’abandon du nucléaire (ce qui est un choix hautement politique) et tu donnes les arguments qui t’ont convaincu.
Voici les arguments qui me font choisir de maintenir la filière nucléaire.
Pour aller à l’essentiel, je ne vais pas revenir sur l’accord électoral qui aboutit à la destruction de Fessenheim, que les experts jugent conforme à la sécurité moyennant travaux (cela au moins est scientifique). Je ne vais pas revenir, non plus, sur l’augmentation du coût de l’électricité qui suivrait un démantèlement des centrales, ni sur l’emploi que tu évacues rapidement en pensant qu’un électricien nucléaire peut se transformer en spécialiste de l’éolien ou de la biomasse !
Ce qui me surprend c’est que des esprits cartésiens se laissent entraîner dans les peurs du progrès réservées d’habitude à des populations moins averties. Imagine que l’on ait appliqué ton raisonnement à l’électricité dans les années 1900 et que l’on ait expliqué à chaque maman (ce qui était vrai) que dès que son bébé mettrait ses petits doigts dans une prise de courant, dont on allait parsemer l’appartement, il serait instantanément électrocuté ! Nous n’aurions jamais pu avoir l’électricité, ni même le charbon qui a tué et tue encore, infiniment plus que le nucléaire.
Pourquoi ne pas penser que, peu à peu, les centrales deviennent plus sûres (alors même qu’elles n’ont, en France, jamais tué personne), que des robots demain sauront les démanteler à bas coût, que d’autres matières premières (tu cites le thorium) viendront remplacer l’uranium et, qu’après-demain, l’énergie solaire cumulera rendement et sûreté.
Oui, il s’agit bien d’un choix politique, et même d’un choix fondamental pour nos sociétés. Je suis convaincu que nos vieilles divisions gauche/droite seront bientôt dépassées par un autre clivage : ceux qui croient au progrès, à la science, à la capacité de l’Homme à aller plus loin dans la nécessaire double exigence de son épanouissement et de la protection de la planète et ceux qui craignent l’avenir, la science, le progrès et voient dans le principe de précaution le seul chemin possible pour sauver la terre et notre espèce.
Je suis certain, te connaissant bien, que tu n’es pas de ceux-là. J’entends ta démonstration, comme celle de quelqu’un qui, légitimement, s’interroge sur l’avenir (et là je te rejoins), souhaitant réduire les risques d’un futur qui va trop vite, trop fort dans des directions inexplorées.
De ma place, contraint de voter, c’est-à-dire de choisir, j’ai fait le choix d’accepter, en scientifique, les risques de la confiance au progrès contre ceux qui ont choisi la méfiance, la crainte et le repli. Car ne t’y trompe pas, derrière ces arguments de danger (que je comprends bien), il y a toute une philosophie du repliement, du retour à un pseudo âge d’or qui nous perdrait tous.J’ai été très heureux de cet échange et t’en remercie
A bientôt ,avec toutes mes amitiés,
Olivier
Cher Olivier,

Je te remercie de ta réponse argumentée et j’apprécie de pouvoir communiquer ouvertement avec toi.

Je suis d’accord pour la publication mais si j’avais su j’aurais plus soigné mon propos

Je précise juste, vite fait, quelques points, parce que ton opinion m’importe et que je ne voudrais pas te laisser une fausse image de moi :

– je ne suis pas pour l’abandon du nucléaire forcément mais plutôt pour un autre nucléaire.

Ne serait-ce que pour maintenir cette voie opérationnelle et accessible aux progrès technique et scientifique, nous sommes d’accord. Mais cette opportunité doit être aussi préservée pour les autres sources d’énergie. Je sais bien, par exemple que nous ne couvrirons pas la France d’éoliennes mais elles font aussi partie de la donne. Aurait-on été contre les moulins à vent en leurs temps ?

– Les économies d’énergie sont aussi un équivalent pétrole complétement absent du débat. Or, voilà des emplois rentables concrètement ; ce ne sont pas des charges en plus mais à la place du pétrole ou nucléaire ou autre énergie.

– Reste  l’indépendance énergétique.

Pour moi , l’indépendance c’est quand on n’a pas :

* à importer le combustible (du Canada pays ami, ça va encore mais d’autres pays moins stables…c’est moins bien )

* à envoyer des déchets en Russie (cf épisode gazoduc)

– je te rassure, je travaille dans l’industrie depuis 14 ans ( Massey-Ferguson et autres), j’en suis content et je pense que les industriels sont contents de moi puisque de grands groupes m’envoient leurs recruteurs à Beauvais.

Donc :

* pas d’obscurantisme réactionnaire anti-industrie chez moi

* je connais assez bien ce monde de la grande industrie pour savoir qu’on ne transforme pas les ingénieurs atomistes en hydrauliciens mais aussi qu’il y a déjà des ingénieurs hydrauliciens dans le nucléaire (et d’autres spécialités)

* j’imagine aussi que pour démanteler une centrale on aura besoin des atomistes.

* je pense aussi que le démantèlement c’est un nouveau métier car aucune centrale ne durera 100 ans.

* il serait bon d’essayer la pédale du frein au moins une fois, même sans prôner l’arrêt du nucléaire.

* Bien évidemment, on met en place de nouvelles énergie avant tout, ce sera long et on garde une part de nucléaire mieux faite.

– Tout est politique, je suis d’accord (si tu me pardonnes mon humour je me souviens que certains marxistes disaient aussi cela 😉

Mais la politique n’est pas que droite contre gauche et la ligne de la raison ne sépare forcément pas les 2 camps.

Je ne me reconnais entièrement dans aucun des 2 cotés, mais j’ai des points d’accord alternativement chez l’un ou l’autre selon les sujets et cela ne me place pas au centre (au sens du milieu du gué).

Pour revenir à l’épisode télévisé des 2 François/Jean François l’absence de réponse du François H. m’a autant déplu…

Et enfin : pauvre Eva !… je suis de ton avis…

Cher Olivier, excuse-moi la longueur, je voulais être plus précis que ma réaction à chaud.

Avec toute ma sympathie, tout mon respect et ma reconnaissance pour ton engagement local et national.

Pascal Quénot (un électeur un peu frondeur, je te l’accorde)

2 réflexions sur « Correspondance avec un ami qui craint le nucléaire… »

  1. Cher Monsieur Olivier JARDÉ,

    VOICI MES QUESTIONS :

    1°A) à propos de l’achat de l’uranium du nucléaire pour le France, je me pose cette question:
    ? avons-nous bien payé les TOUAREGS (TARGUI) du MALI depuis des années de 1974 à 2012?

    ? 1°B) est-ce que ce n’est par la cause des prises d’otages actuelles, dans l’Afrique CENTRALE ? conflit très grave selon M. Alain JUPPé.

    2°) car je me pose, aussi, cette question: ? d’où vient notre dette de 1 700 milliards d’€ (soit par personne: 28 000 €) ?

    j’espère votre réélection aux législatives prochaines.

    très respectueusement, Cher Cousin,

    Gérard BREDONTIOT

    • Bonjour Cher ami

      Je vous remercie de votre courrier car l’essence même de ces blogs et de permettre un dialogue plus simple entre nous.
      • Sur la question des Touaregs qui auraient été payés par la France dans les années passées, je n’ai aucune information. Je ne suis pas certain d’ailleurs que toutes les prises d’otages soient le fait des Touaregs mais plutôt d’ex-GIA Algériens, chassés d’Algérie par la répression.
      • Les évènements d’Afrique Centrale me semblent plutôt liés aux évènements de Libye où Touaregs et Maliens se sont retrouvés au chômage et bien armés après la chute de Kadhafi. A cela, s’joute les conflits tribaux traditionnels entre ethnies différentes.
      • La dette a trois causes essentielles :
      o Chaque année, à partir du mois d’Octobre, la France emprunte pour payer ses fonctionnaires et son train de vie courant : déficit de la sécurité sociale, retraites et intérêts de la dette (environ 40 Milliards d’euros). Ainsi, ni la retraite à 60 ans, ni les 35 heures dans la fonction publique d’Etat, dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière n’ont été financés ! Les 35 heures dans le privé ont été financés par l’emprunt, comme l’avait été les nationalisations en 1981.
      o Les différents plans de relance qui ont permis de maintenir un peu d’activité et le grand emprunt pour l’investissement ont été payés, comme partout dans le monde, par l’emprunt (environ 400 Millard d’euros)
      o Avec la crise, les recettes de l’Etat ont fondu de 25%. Il a dû emprunter pour compenser ce manque de recettes et continuer à payer les fonctionnaires, la dette, etc…
      • En espérant que ces informations vous soient utiles,
      • Bien amicalement
      Votre dévoué,
      Olivier Jardé

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