Compte-rendu de la réunion sur la sécurité

sécuritéCher(e) ami(e),

Veuillez trouver ci-joint le compte-rendu de la réunion sur la sécurité.

Amitiés,

Olivier Jardé

Nous sommes sous la législation de l’état d’urgence depuis presque un an. Malgré cela, il y a eu les attentats de Nice et de Saint Etienne du Rouvray, après celui du Bataclan.

Des policiers sont également tués à leur domicile. Dans un autre registre, les forces de l’ordre sont débordées lorsque des «manifestants» font preuve de violence, en cassant les vitres d’un bloc opératoire pour enfants par exemple. Si la réforme de l’État s’impose, si elle passe par un accroissement du nombre des fonctionnaires dans certains secteurs des services régaliens (notamment la justice, la police et la gendarmerie), elle doit aussi se traduire par des ajustements d’effectifs. Ces ajustements doivent concorder avec les capacités du pays et à l’ardente nécessité de rétablir les équilibres budgétaires. Ils passeront autant que nécessaire par des redéploiements géographiques et des mutations professionnelles des agents de l’État et de la fonction publique territoriale.

Actuellement, on distingue trois grandes fonctions publiques : celle d’État, les hospitaliers et les fonctionnaires des collectivités territoriales. Il sera nécessaire de les fusionner. La politique de sécurité est sous-tendue par des questions déterminantes de cohésion nationale et de résilience sociétale, alliant droits et devoirs individuels et responsabilités collectives Elle a besoin de cohérence en ce qui concerne ses trois piliers : prévention, répression et justice. Elle doit être reliée à l’éducation et au civisme : en effet, elle ne saurait être traitée isolément de l’enseignement et de la politique familiale. Il faut insister sur l’importance déterminante de la prise de conscience, notamment chez des jeunes, des enjeux de sécurité. Il faut dépasser la ligne de partage idéologique entre angélisme et justice complaisante, exonérant par avance de leurs responsabilités les mineurs en rupture de repères et tenant d’une politique exclusivement sécuritaire. La sécurité doit aussi s’adapter à la volatilité des menaces et aux exigences du terrain. Si l’approche globale est essentielle, la sécurité est d’abord et avant tout liée aux besoins. La principale responsabilité des élus, et notamment celle du chef de l’État, est d’assurer la sécurité de leurs concitoyens au quotidien. Nous pouvons mieux faire.Rattachée pour emploi au ministère de l’Intérieur, la gendarmerie, bien qu’exerçant principalement des missions de police, conserve un statut militaire et, à ce titre, se trouve sous tutelle du ministère de la défense. Les zones couvertes par la gendarmerie couvrent 95% du territoire national, essentiellement des zones rurales et périurbaines. Les effectifs de la gendarmerie représentent  environ   90  000 hommes actifs, dont 10 000 gendarmes mobiles affectés aux opérations de maintien de l’ordre et 40 000 réservistes.

La police nationale est chargée des zones urbaines. Autrement dit, de 5% du territoire où vit 50% de la population. Ses effectifs sont d’environ 140 000 hommes, dont 15 000 pour les Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS). À la différence des gendarmes, dont 20 à 25% des effectifs sont sur le terrain, seulement 5,5 % des effectifs de la police sont sur le terrain. De l’autre côté, 11% sont affectés à des tâches dites de soutien logistique, 11% d’effectifs sont indisponibles et 3,7% d’entre eux sont missionnés en permanence à la surveillance des bâtiments de l’État. Cette différence tient à plusieurs facteurs, notamment le statut militaire pour les gendarmes avec des astreintes beaucoup plus fortes, ou encore au nombre d’heures annuelles travaillées : en moyenne, un peu plus de 1 400 heures pour un policier et près de 1800 pour un gendarme.
Force est de constater que le déploiement géographique des forces de sécurité ne tient pas toujours compte de l’évolution de la délinquance et de sa localisation.  Ainsi, dans les  villes de 10 000 à   20 000 habitants, on compte systématiquement plus d’un policier pour 300 habitants alors que le taux de délinquance est relativement bas. Dans des grandes villes comme Marseille par contre, la même année, le ratio de forces de sécurité était moindre, à savoir un pour 324 habitants, tandis que le taux de criminalité était douze fois supérieur, à 10,5%. À Lyon, où le taux de criminalité dépassait
les 9%, il n’y avait qu’un policier pour 341 habitants. Dans ce contexte, je suis favorable à l’adaptation des cadres d’intervention des forces de sécurité pour une meilleure optimisation de leurs moyens. Une approche systémique est là encore nécessaire et doit s’appuyer sur une nouvelle méthode. La première phase de cette méthode consiste à effectuer un diagnostic de toutes les forces de sécurité existantes. Non seulement celles relevant de l’État, mais aussi les forces de police municipales, voire les sociétés privées.
Il faudra étudier leurs moyens, leurs missions, leur déploiement géographique et déterminer les champs de réorganisation et de complémentarité possibles. Il s’agira ensuite de mettre ces moyens en perspective de l’évolution de la délinquance et planifier les améliorations à apporter en proposant plusieurs modélisations. Cela passe par une prise en considération des besoins spécifiques des territoires, avec notamment la réimplantation de moyens suffisants dans les quartiers difficiles et leur adaptation à la mobilité accrue des délinquants. Une systématisation de l’organisation en Groupements d’Intervention Régionaux (GIR) plutôt qu’en institutions cloisonnées sera aussi nécessaire, ainsi qu’une meilleure articulation entre effectifs de l’État et ceux des polices municipales. La recherche de complémentarité avec les sociétés privées de sécurité n’est pas non plus à exclure, tout comme un renforcement de la lutte contre la délinquance par la traque constante des flux financiers, la mise en oeuvre effective de systèmes de réinsertion par le travail à travers des programmes de «seconde chance» et l’accompagnement des associations de quartiers dans leur rôle d’intégration et d’éducation à la citoyenneté.

Domaine régalien par excellence, la justice doit être réformée pour en simplifier et en faciliter l’accès à tous, et renforcée en ce qui concerne son indépendance, son organisation et ses moyens pour obtenir des délais raisonnables. L’indépendance, tout d’abord, est le gage d’une justice plus efficace, plus sereine, plus libre. Le renforcement de cette indépendance passe nécessairement par la remise en cause du lien entre justice et politique. Il faut un avis conforme pour toutes les fonctions de chef de parquet et hors hiérarchie. Le système actuel qui permet aux membres du Conseil Supérieur de la Magistrature de continuer d’exercer leurs fonctions pendant leur mandat ne me semble pas bon. Il serait souhaitable d’avoir des magistrats de plein temps. Pour que le juge puisse être au-dessus de tout soupçon politique, il faut aussi éviter la confusion des genres entre l’engagement politique et la mission de rendre la justice. C’est toute la question de l’impartialité des magistrats qui est ainsi posée, à la lumière  notamment de certaines dérives politico-judiciaires relayées sur le plan médiatique. Si les magistrats, comme tous citoyens, ont le droit d’avoir leurs idées politiques, la spécificité de leurs fonctions doit les soumettre à un devoir de réserve qui existe mais qui n’est pas toujours respecté. Si interdire toute appartenance à des organisations politiques peut paraitre excessif, en plus du respect du devoir de réserve, il faudrait que cette appartenance soit connue afin de pouvoir vérifier que l’impartialité n’est pas atteinte.

Renforcer l’organisation de la justice est une autre priorité : malgré l’augmentation sensible de son budget, son manque de moyens demeure un problème majeur. Selon un rapport de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, «La France compte onze juges, trois procureurs et trente-deux fonctionnaires de greffe pour cent mille habitants, alors que la moyenne européenne est respectivement de vingt-trois, onze et soixante et onze». Ce sont les «parquetiers» français qui traitent le plus de dossiers : plus de deux mille cinq cents affaires pénales par an, hors compétences commerciales, civiles ou autres, la moyenne européenne étant de six cents quinze dossiers. Ainsi, la France stagne-t-elle dans le peloton de queue des pays européens pour le nombre de magistrats par habitants. À cette insuffisance globale de moyens, il faut ajouter d’importantes inégalités de répartition entre les territoires. Il faudrait une clarification de l’exécution des peines, aujourd’hui incompréhensibles et qui est plus que jamais d’actualité depuis l’assassinat  du prêtre par un condamné sous bracelet électronique. De cette accumulation de handicaps découle un engorgement permanent des tribunaux avec des délais de procédure qui ne cessent de s’allonger. Aussi, avant toute nouvelle réforme, faudra-t-il mettre en oeuvre une large concertation,un «Vendôme de la Justice» inspiré du«Grenelle» avec tous les acteurs concernés, des magistrats aux auxiliaires de justice.

Des efforts particuliers devront être faits en faveur des territoires les plus en difficultés, comme cela a lieu en matière de politique de la ville. Par exemple, des réponses concrètes et rapides doivent pouvoir être apportées aux problèmes récurrents qui perturbent la vie quotidienne des habitants, tels que le traitement des incivilités ou encore l’amélioration du service d’aide aux victimes d’urgences. Outre la question du renforcement des moyens, une réforme institutionnelle majeure est proposée en contradiction avec l’esprit de Montesquieu : la fusion des juridictions administratives
et judiciaires. Il en résulterait une clarification de l’organisation judiciaire, une mutualisation des moyens génératrice d’économies, lesquelles pourront être utilisées à des augmentations ou redéploiements d’effectifs et/ou de budgets. Cela éviterait enfin des décisions contradictoires sources de conflits entre les deux ordres, par exemple en matière de fiscalité, de droit de l’urbanisme ou encore d’accueil des étrangers.

Au plus haut sommet de l’organisation judiciaire, il faudrait donc procéder à la fusion de la Cour de cassation et du Conseil d’État dans une formation unique qui pourrait s’inspirer du modèle de la Cour suprême des États-Unis, et qui aurait compétence pour traiter les recours de l’ensemble des contentieux. La question de sa cohabitation avec le Conseil constitutionnel mérite aussi réflexion, surtout après la mise en place de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) ouverte à tous les justiciables puisque la Cour suprême américaine est aussi juge de la constitutionnalité. L’amélioration de l’accès à la justice, dont le coût est en constante augmentation, passe aussi par la simplification et la revalorisation du système actuel d’aides judiciaires variant en fonction de revenus, avec quelques majorations pour enfants à charge, au-delà desquels l’aide n’est plus accordée. Afin d’éviter qu’il ne pèse davantage sur le budget public, il faut envisager de favoriser le recours au système d’assurance juridique : dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède, l’aide juridique revêt un caractère subsidiaire par rapport au système d’assurance. En contrepartie d’une revalorisation, comme cela se fait ailleurs en Europe, l’examen du bien-fondé de la demande et les probabilités de succès pourraient aussi permettre de moduler le montant de l’aide chaque bénéficiaire pourrait également, en cas de succès de la procédure, avoir à rembourser les fonds publics consacrés à son affaire.

En cette période, il serait opportun de créer un procureur national anti-terroriste car le système actuel qui confie au procureur de Paris la compétence nationale contre le terrorisme ne lui permet pas de se consacrer pleinement et efficacement à cette mission. Le soutien aux victimes doit aussi être une priorité car souvent laissées avec tous leurs problèmes, elles se sentent justement abandonnées. C’est pour cette raison que dans mon service de médecine légale au CHU d’Amiens, j’ai créé une consultation d’aide aux victimes : comment saisir l’aide juridictionnelle, ou pouvoir être hébergé pour les femmes battues, pouvoir être suivi gratuitement par une psychologue. Le dernier problème majeur, en ce qui concerne la justice, est justement celui des prisons pour la plupart vétustes et surpeuplées. Autrement dit, favorisant la récidive : si la privation de liberté fait partie de la sanction infligée aux délinquants, le temps de la peine doit être non seulement celui de la rémission, mais aussi de la préparation à la réinsertion. Les chiffres sont alarmants. Au 1er juillet 2016, il y a 69 375 personnes incarcérées, ce qui représente une hausse de 3,8 % par rapport à juillet 2015. 10 957 sont sous bracelet électronique. Il y a en France 58 311 places. Sept établissements ont une densité supérieure à 200%. 1 648 détenus dorment sur un matelas posé au sol qui font des prisons françaises sans travail de vrais pourrissoirs et des écoles de radicalisation. En plus, 20 035 des prévenus du fait du manque d’effectifs sont en attente de jugement, soit 28,87%, ce qui représente une hausse de 13,8% par rapport à 2015.

Si, pour les personnes condamnées à de courtes peines pour des faits de petite délinquance, le recours au bracelet électronique permet de concilier restriction de liberté et activité professionnelle, il faut aussi penser à la participation des détenus à des travaux, par exemple agricoles, leur permettant de préparer leur réinsertion : au Danemark, 34% des détenus bénéficient de ce type de détention dite «ouverte», 32 % en Finlande, 24 % en Suède, 10 % en Suisse ou encore 8% en Autriche. D’après les expériences menées à l’étranger, il apparaît que ce système de prisons ouvertes permet de réduire de moitié, voire davantage le coût de détention.

En France, le budget consacré aux prisons est d’environ deux milliards et demi d’euros par an. Un détenu coûte en moyenne trente deux mille euros par an avec de fortes variations : Quatre-vingt-cinq euros par jour en maison d’arrêt, près de cent euros en centre de détention pour courtes peines, ou en centre pénitentiaire mixte, et jusqu’à deux cents euros pour les longues peines. Pour augmenter le nombre de places et améliorer les prisons, une réflexion doit être menée sur la possibilité de créer un forfait qui serait mis à la charge de chaque prisonnier, comme il existe des forfaits hospitaliers. Ce forfait pourrait être financé par le travail volontaire de détenus ou encore pris sur l’allocation universelle dont le paiement serait réduit, voire suspendu durant l’incarcération.

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